Suite à l’initiation à la permaculture que j’ai animée à la mi-juillet au Cortillet permacole à Vers en Haute-Savoie, je me suis dit que ce serait intéressant de vous faire découvrir ou redécouvrir les bases de la permaculture pour revenir aux basiques, aux fondamentaux. A savoir : sa définition, son éthique et ses principes. Revenir aux fondamentaux, c’est aussi l’occasion, cet été, de prendre un peu de hauteur ou de recul sur vos chemins pour vous rapprocher du vivant voire de vous-mêmes…avec la permaculture.
Quelle définition donner à la permaculture ?
D’où vient ce mot « permaculture » ?
Permaculture est la contraction en Anglais de « Permanent Culture ». Il faut comprendre le mot « permanent » comme « durable » ou « pérenne » en Français, comme dans développement durable, et non pas par « permanent » dans le sens « qui ne change pas ».
Le concept et le mot ont été créés en opposition à l’agriculture industrielle qui n’est, elle, pas durable. Bill Mollison, un de fondateurs de la permaculture avec David Holmgren, dénonce déjà les pratiques agricoles industrielles à son époque : « Dans l’agriculture commerciale, moderne, le contact du fermier avec la terre a été réduit au point qu’il n’est plus qu’un gérant d’affaires ». (Permaculture 1, 1978).
S’il fallait une définition
Certains disent qu’il y a autant de définition de la permaculture que de permaculteurs et de permacultrices.
On va pourtant en retenir une :
« La permaculture est la science et l’art de concevoir des systèmes durables et résilients en s’inspirant du fonctionnement des écosystèmes naturels ».
A partir de cette définition, on peut voir qu’il est possible d’imaginer et de concevoir toute sorte de systèmes avec la permaculture :
- un potager, un jardin-forêt, une exploitation agricole ;
- mais aussi le fonctionnement d’une organisation, d’une collectivité ou d’une société, que ces systèmes aient une vocation économique, éducative ou sociale, etc.
- en s’inspirant de l’éthique de respect et de solidarité de la permaculture et concevant à partir de ses principes.
Si on considère la permaculture comme un système de pensée, on peut aussi observer, analyser, penser et orienter sa propre vie avec.
Reprenons ici les points clés de la permaculture selon Looby Macnamara, autrice de « La permaculture et nous » :
« La permaculture :
- Utilise la nature comme guide
- Pense de façon holistique
- Repose sur des solutions
- Est un système de conception
- Repose sur la coopération et les liens
- Apporte de l’abondance et de l’harmonie. »
Après cette définition, les deux autres bases fondamentales de la permaculture sont : son éthique et ses principes.
Une éthique fondée sur trois piliers
L’éthique de la permaculture est une éthique qui rime avec respect, générosité et solidarité et qui comporte trois piliers :
- Prendre soin de la Terre ;
- Prendre soin des personnes ;
- Partager équitablement.
Prendre soin de la Terre
En Anglais, ce premier pilier c’est « Earth care ». « To care », c’est à la fois « prendre soin » et « faire attention ». Prendre soin de la Terre, de la planète Terre, c’est non seulement avoir des pratiques de jardinage et d’agriculture qui nourrissent et respectent la terre, le sol. Mais c’est aussi respecter toute forme de vie sur la Planète Terre, en considérant les êtres humains comme un élément de notre biosphère.
Prendre soin des personnes
« People Care », qui est traduit par prendre soin des gens, prendre soin des personnes ou encore prendre soin des Humains. Cela veut dire autant prendre soin et faire attention à soi-même en tant que personne que des autres humains.
Si je jardine, je veille à utiliser les bons outils, les bonnes postures pour ne pas me faire mal. Ça contribue à obtenir une production si le jardinier ou la jardinière est épanoui.e dans son jardin.
De la même façon, prendre soin des autres, des relations entre les personnes que ce soit en famille, entre amis, dans des contextes professionnels ou autre, cela contribue à notre harmonie et à notre bien-être. Et ça vaut pour tous les niveaux dans la société.
Cela veut dire que tous les êtres humains aient ce dont ils et elles ont besoin pour vivre en paix et en harmonie en société et sur la Terre.
Partager équitablement
« Fair Share » : ce troisième pilier parle à la fois d’abondance et de sobriété.
La permaculture permettant de créer des écosystèmes cultivés très productifs, elle favorise l’abondance et donc le partage des surplus de cette abondance. Si nous prenons soin de la Terre, elle sera productive et nous pourrons prendre soin des autres en partageant nos surplus. Aussi, partager l’abondance, c’est partager l’abondance de ressources immatérielles comme la connaissance ou encore la bienveillance…
Une partie des ressources sur la planète étant limitée, comme l’eau en particulier, la permaculture nous invite à la sobriété, d’autant plus que de plus en plus d’humains vivent sur la Terre, qui connaît d’immenses dégradations. Cela nous invite donc à partager équitablement les ressources finies en en faisant un usage sobre.
Une éthique profondément inspirante
Cette éthique est simple parce qu’elle est repose seulement sur 3 piliers. Qui sont étroitement liés entre eux. Mais elle est aussi profonde et forte à la fois car elle permet de penser le monde dans sa globalité :
- prendre soin de la Terre c’est la respecter : sa biodiversité, les océans, l’air, l’eau, tous les êtres vivants sous toutes leurs formes.
- « Prendre soin de la Terre » c’est en même temps « prendre soin des personnes humaines » pour que nous puissions toutes et tous vivre en paix, en harmonie et en sécurité sur la planète Terre.
- Et ainsi nous pouvons être solidaires les uns des autres, partager cet espace de Vie si abondant et si exceptionnel dans l’Univers.
Et vous, qu’est-ce que ça vous inspire ?
Une ribambelle de principes inspirés du Vivant
Pourquoi autant de principes ?
Quand on s’intéresse aux principes de la permaculture, on tombe très vite le schéma ci-dessous qui reprend les 12 principes de la permaculture tels qu’ils ont été pensés par David Holmgren dans son livre de 2002. Il y a en fait plus de douze principes…puisque Bill Mollison avait avant lui aussi listé une quinzaine de principes dans son livre « Introduction à la permaculture », qui date de 1991…
On peut donc dire qu’il y a une vingtaine de principes permaculturels. Et certains permaculteurs disent qu’on peut même en inventer ! C’est dire à la fois la créativité et la complexité de la permaculture !
Deux choses à retenir avant de se plonger dans les principes
- En permaculture, les principes sont issus de l’observation du Vivant : ils sont donc à l’œuvre dans la nature si on prend le temps de l’observer.
« /…/ la nature est notre professeur. Les principes ont été observés dans la nature, nous servant de recommandations pour concevoir des systèmes durables ».
Looby Macnamara
- Les principes sont donc des outils utiles à l’observation et à la conception d’écosystèmes résilients et durables.
Les douze principes de David Holmgren en détail
Pour vous présenter les principes, je choisis de me baser d’abord sur ceux de David Holgrem, puisque ce sont ceux qu’on retrouve le plus souvent, avant de voir les principes de Bill Mollison. (J’assume cette présentation non-chronologique 😉 ! )
Les 12 principes de David Holgrem en détail |
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1. Observer et Interagir SYMBOLE : Un arbre avec une cavité Au jardin, comme dans la vie, nos observations nous permettent d’agir avec justesse, au bon moment, ou bien d’adapter nos comportements. |
2. Capter et stocker l’énergie SYMBOLE : Un soleil dans une bouteille, qui peut faire penser à une maison solaire ou à la conservation des excédents saisonniers. Stocker l’énergie, c’est manger tout l’été puis hiberner comme la marmotte. Ou encore capter l’énergie du soleil, la transformer en sucre puis en bois comme les arbres. Faire des barrages et stocker l’eau est aussi une façon de capter et stocker l’énergie. |
3. Obtenir une récolte, une production SYMBOLE : Un légume racine On ne fait pas d’efforts pour rien : on est contents quand on récolte. C’est le signe de notre succès. On peut aussi élargir nos récoltes en élargissant nos connaissances : cette plante ne serait-elle pas comestible et récoltable ? |
4. Appliquer l’autorégulation et accepter la rétroaction, le feedback SYMBOLE : La planète Terre, qui est un gigantesque système qui s’autorégule. Actuellement, la planète subit de grands changements qui perturbent profondément les écosystèmes. Les êtres humains doivent accepter les signaux de rétroaction et autoréguler leurs actions. De la même façon, notre corps régule son taux de glycémie. Si je mange mal, je grossis : c’est un signal de rétroaction. L’autorégulation ici serait de changer mon régime alimentaire. |
5. Utiliser et valoriser les services et ressources renouvelables SYMBOLE : Un cheval, qui ne consomme que des ressources renouvelables et peut rendre de nombreux services ! La poule est un autre exemple d’animal qui ne consomme que des ressources renouvelables et qui rend de nombreux services 😊 |
6. Ne pas produire de déchets SYMBOLE : Un ver de terre, qui est un recycleur absolu et hyper efficace qui aère les sols tout en le fertilisant. Il n’y pas de déchets dans la forêt : tout est utilisé et réutilisé à l’intérieur de l’écosystème forêt. La démarche zéro déchets est une forme de permaculture ! Réduire, réutiliser, recycler mais aussi réparer, refuser, ré-offrir, etc. ! « Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme ». |
7. Concevoir de l’ensemble vers les détails SYMBOLE : Une toile d’araignée. Chaque toile d’araignée est unique mais elle utilise le même motif. Et l’araignée la construit en allant de l’ensemble vers les détails. Ce principe est utile pour ne pas nous perdre dans les détails et d’abord imaginer notre propre vue d’ensemble de notre projet. |
8. Intégrer plutôt que séparer SYMBOLE : Une fleur est faite d’éléments qui s’imbriquent les uns les autres : les pétales, le pédoncule, les étamines, le pistil, la tige, etc. Séparément, ils ne servent à rien, n’ont pas de sens. Ensemble ils forment une fleur ! Mettre les bons éléments aux bons endroits, c’est créer des relations bénéfiques entre eux. Une ruche est un bon exemple de système intégré et efficace. |
9. Utiliser des solutions lentes et à petite échelle SYMBOLE : Un escargot, dont la coquille grandit avec lui. Prendre le temps de penser son projet et pour le long-terme, sans se précipiter. Avancer par étapes et pas à pas, progressivement. « Qui va piano va sano » ou « Plus on est grand, plus on tombe de haut ». |
10. Utiliser et valoriser la biodiversité SYMBOLE : Un colibri, qui a sa place dans un écosystème complexe. Plus le système est divers, plus il est résilient et stable. |
11. Utiliser les bordures et valoriser les marges SYMBOLE : Un chemin et ses bordures. La bordure est l’interface entre deux écosystèmes : c’est un espace très productif, comme la lisière d’une forêt ou une mangrove qui est très riche en biodiversité. Ce principe vaut aussi pour les relations humaines : valoriser les bordures, ça peut être entretenir de bonnes relations avec ses voisins 😉. |
12. Utiliser et réagir au changement de façon créative SYMBOLE : Un papillon, qui était avant une chrysalide, est un magnifique symbole de changement. La nature évolue suivant les successions naturelles : une prairie va devenir progressivement une forêt. Le changement, le cycle du vivant est permanent. Face à cela, l’humain doit s’adapter et faire avec le vivant. |
Les principes de Bill Mollison
Dans son livre « Introduction à la permaculture » (1991), Bill Mollison a mis en avant dix principes de conception permettant de créer des écosystèmes cultivés. David Holmgren a donc repris les principes originaux et les a « mis à sa sauce ». C’est pourquoi les principes qui se répètent entre les deux listes ne sont pas détaillés ci-dessous.
Les principes de conception de Bill Mollison |
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Emplacements relatifs Chaque élément est placé en relation aux autres, c’est créer les connexions les plus favorables entre les éléments. Comme les symbioses dans la nature. |
Chaque élément remplit plusieurs fonctions dans le système. Par exemple, on va privilégier des fleurs comestibles mais aussi mellifères et belles. Pas uniquement ornementales. |
Chaque fonction est assurée par plusieurs éléments. Pour arroser mon jardin, je ne vais pas me baser uniquement sur l’eau du réseau, mais je vais récupérer l’eau de pluie et je peux aussi créer une mare. |
Prévoir l’efficacité énergétique Ce principe parle des « énergies » et des éléments internes et externes au terrain. Ces éléments sont étudiées puis gérés efficacement. Un vent fort sera « géré » par une haie brise-vent, par exemple. |
Utiliser des ressources biologiques et naturelles (cf principe 5 ci-dessus) |
Optimiser les cycles de l’énergie Comme dans un écosystème ou dans l’économie circulaire, on privilégie le recyclage, la récupération. Ici, le mot « énergie », c’est tout ce qui entre et sort de notre système comme l’eau, la chaleur, l’argent, le temps, le carbone, l’azote, etc. Le compost est un bon exemple pour illustrer ce principe. |
Créer des petits systèmes intensifs car ils sont plus résilients que les grands systèmes, plus faciles à gérer et plus productifs. Une serre un exemple de « petit système intensif » ou une jardinière autonome en eau (découvrir ici, sur la page « téléchargements gratuits). |
Accélérez les successions pour accélérer l’évolution Cela veut dire que les écosystèmes, dans la nature, changent et évoluent sans cesse. A partir de ce qui pousse déjà là où je suis, cela veut dire faire évoluer mon écosystème jardiné en remplaçant des espèces, en apportant de la matière organique pour que ça pousse plus vite. |
La diversité (cf principe 10 ci-dessus) |
Effets de lisières et de bordures (cf principe 11 ci-dessus) |
A ces principes de conception, il a ajouté des « principes d’attitude », qui parlent d’eux même :
- Faire avec la nature, pas contre elle.
- L’imagination et la connaissance comme seule limite.
- Le problème c’est la solution.
- Le plus petit effort pour le maximum d’effets.
Vous êtes un peu perdu.e dans tous ces principes ? Ou ça vous semble juste du bon sens ? Certains vous paraissent obscurs ? abscons ? Il y a en trop ? C’est normal de ressentir ça au début !
Pas de panique ! Appropriez-vous ceux qui vous parlent le plus pour commencer « lentement et à petite échelle » (principe 9) 😉.
Personnellement, mes préférés sont :
- lentement et à petite échelle,
- le problème c’est la solution,
- faire avec la nature et pas contre elle
- et un élément remplit plusieurs fonctions.
Pour aller plus loin
Cet article vous a donné envie d’aller plus loin ? Je vous propose plusieurs pistes concrètes (et aucun livre pour une fois 😉), pour faire un petit pas de plus vers le Vivant ou votre transition écologique avec la permaculture :
- Visiter le jardin de Franck Gossmann d’Amrita permaculture en Haute-Savoie ;
- Regarder les vidéos de Damien Dekarz ou de Xavier Mathias sur youtube ;
- faire une initiation à la permaculture (inscrivez-vous à la newsletter ci-dessous pour connaître les proches dates avec Ateliers Kaléido 😉) ;
- ou encore faire un cours de conception en permaculture. Je vous recommande à 100% d’aller aux Alvéoles à Cobonne dans la Drôme. Il reste encore des places pour le CCP de ce mois d’août !
- et enfin vous faire accompagner par Ateliers Kaléido pour créer votre propre jardin nourricier ou jardin-forêt.